J’avais déjà eu la chance au mois de juin dernier d’aller en Tunisie rencontrer nos futurs partenaires d’Ado+, de voir le travail qu’ils font avec les ados, de partager avec eux leur version de la Révolution, d’être emportée par l’enthousiasme post-dictature. J’étais emballée, parce que ce qui s’est passé en Tunisie, la Révolution, ça me parle, ça me touche, ça réveille en moi la rage que j’ai contre toutes les injustices, les bêtises que je vois ici, en Europe et partout ailleurs, et je me suis mis à rêver que la Révolution c’était possible.

Pour cet atelier, j’avais plein d’idées en tête, de sujets à aborder, d’images à proposer, d’impros à lancer, j’avais envie de partager cet élan révolutionnaire avec ces jeunes... Et évidemment, je m’attendais à ce que ça les motive, que ça les chamboule, parce que pour moi la Révolution ça passe bien sûre par eux ! Mais du haut de leur jeunesse insouciante presque méprisante, ils m’ont remise à ma place...
Ils n’avaient pas envie de parler de révolution, ça ne leur disait rien du tout comme sujet. Ils ne savaient que très peu de choses des révolutions arabes, ils confondaient les pays et les dictateurs, et surtout ils ne voyaient pas l’intérêt d’en parler, bref, c’était à des milliers d’années lumière de leur réalité, de leur vie...
Pour moi ça n’a pas été facile à encaisser... j’étais déçue...
Mais je me suis vite reprise, je suis descendue de mon nuage et j’ai regardé les choses comme elles étaient et non pas comme je voulais qu’elles soient.
A 16 ans on n’ a pas envie de changer le monde, seul compte notre petit monde, la famille (qui parfois nous emmerde), l’école (qui souvent nous emmerde), les ami(e)s/amoureuses(x) (avec qui on aimerait passer tout notre temps à s’amuser)...
A 16 ans c’est l’âge où on se cherche, on teste, on a envie d’essayer de nouvelles choses, des choses d’adultes, on prend nos premiers risques, avec l’alcool, le sexe, la drogue,... On prend conscience d’être une personne à part entière, d’avoir sa propre vie à construire... ça enivre et ça fait peur... Et par toutes ces expériences on façonne l’adulte que l’on sera.
C’est de ça dont on parle dans notre spectacle, une adolescence comme les autres... dans une petite ville comme tant d’autres...

Ce voyage en Tunisie a été une belle aventure pour nous tous, tout d’abord la rencontre avec les tunisiens, chaleureux, sympathiques et fiers de leur révolution. Dans les taxis, dans le train, dans la rue, chacun est prêt à prendre un moment pour discuter, échanger des idées... et même partager son assiette en papotant...
Pour les jeunes c’était assez exceptionnel, ils ne s’attendaient pas à ça, et tous les préjugés qu’ils pouvaient avoir se sont vite effondrés.
Vient ensuite la rencontre avec les jeunes et les organisateurs d’Ado+, qui ont été adorables avec nous, jouant tantôt les guides, tantôt les gardes du corps, devant user parfois d’une grande patience, mais ils ont toujours tout fait avec le sourire !
Ce qu’on retient surtout c’est les amis que nous nous sommes fait très vite, c’est vrai que la déconnade et le rire facilite la création de liens, et sur ce terrain là les mouscrobes sont imbattables ! et très attachants !
Pendant le festival Ado+, du 07 au 09 avril, qui était aussi international : avec des français venus du Val de l’Oise (région parisienne), nous les belges, et les tunisiens, pour certains venus du sud du pays.
Là aussi ce qu’on retient c’est la rencontre et l’échange, les matinées étaient consacrées à divers ateliers (peinture, théâtre...) dans lesquels tous les groupes se mélangeaient, ce qui permettait d’échanger sur les pratiques des uns et des autres.
Il y avait aussi le groupe journalisme qui éditait tous les jours, un petit journal sur l’actualité du festival...
Le reste de la journée était consacrée à la diffusion des différents spectacles, concerts et conférences... Il y avait aussi bien des concerts de musique traditionnelle tunisienne, que des concerts de reggae, dub et de variété...
Nous avons présenté notre pièce le dimanche après midi, et elle a connu un franc succès, même s’il nous a manqué un moment de retour avec le public (d’autres spectacles suivaient et nous étions un peu pris par le temps), les applaudissements chaleureux du public se passaient d’autres commentaires.

Il y a eu aussi de très beaux moments de jams non prévus entre deux représentations, quand un guitariste tunisien rencontre le flow d’un rappeur français, entourés par une vingtaine de personnes qui dansent et tapent dans les mains... Petits moments magiques !

Finalement c’était ça ce voyage, la chance de vivre quelques petits moments magiques, qui font du bien !

Plus sur le projet mené par le Théâtre Croquemitaine en Tunisie avec l’Association Ados+