Jeudi 06 juin, 10h30.
En route pour Heraklion, escale crétoise avant Athènes. Avion quasi-vide, quelques touristes en couple. Avant d’embarquer on repère les éventuels alter participants. Pas foule, à part un jeune, peut-être. Arrivée à Heraklion, transit de touristes... 25°, ballet de valises en file vers les bus des tours opérators.

On a deux heures d’attente avant d’être enfermées à nouveau, alors on prend un peu l’air de la mer Egée. On retrouve le “jeune” au profil “alter”. Rencontre :
Modestos, 24 ans, athénien d’origine et étudiant à Edinburgh, vient effectivement pour le Sommet . Il est militant à Syriza, coalition d’extrème gauche qui a pris pas mal d’ampleur .
Belle occasion de prendre la température de la situation ici :
Le chômage des jeunes dépasse les 60 pour cent. Cette année les gens se mobilisent moins, c’est plus calme nous dit-il, de plus c’est la période estivale... Pourtant il y a lieu de se mobiliser. La Grèce entière est mise en vente : patrimoine culturel, naturel, tout y passe. A Athènes, il n’y a pas un immeuble dont au moins un appartement est vide. Les gens partent à l’étranger ou retournent dans leurs îles d’origine, les prix y sont moins chers. Modestos, lui, a commencé ses études ici, puis a un peu travaillé comme journaliste, et comme ça ne fonctionnait pas, il a repris des études en Ecosse. Master en développement social. D’origine relativement aisée, ses parents peuvent lui financer ses études. Mais lorsqu’il parle de son avenir, il se perd. Ne sait pas où aller pour s’en sortir. Bruxelles peut-être, Amsterdam, pourquoi pas.

Là, il vient quelques mois en vacances dans sa famille dans une petite île. On parle de la vie là- bas. “Ça ressemble à la vie de hippie”. Vie de campagne, on ne voit personne. Les gens des îles vivent l’année en deux parties : la saison touristique, et le reste de l’année à vivoter.

On revient ensuite à la politique. Syriza, tant qu’il reste lié aux mouvements populaires, représente pour Modestos un espoir. Aujourd’hui, Syriza atteint presque les 20 pour cent, alors qu’il ne faisait pas 3 pour cent il n’y a pas si longtemps. De plus, c’est aussi une réponse au pouvoir épaulé de sa police et de ses para militaires très répressifs.

18H00 Embarquement pour Athènes. 50 minutes de vol. On doit prendre deux métros pour le quartier Kifissia, où nos contacts ont réservé un hôtel pour nous. Bel hasard, Modestos vit dans ce même quartier, et c’est donc sa maman qui nous conduira. Sacré coup de pouce.

20H00 arrivée à la station Kifissia, où nous retrouvons Aleka, Reda, et Marta. Ils essaient de monter un specatcle depuis un an et demi sur la crise, sous forme d’un tribunal. Aleka est d’origine grecque, Reda algérien. Ils vivaient à Paris (ils ont la soixantaine bien passée), mais pour leur spectacle, on leur a dit de le monter ici, en Grèce.
Spectacle de deux heures trente, où ils veulent, lors de ce procès, faire monter à la barre des intellectuels engagés et des représentants du peuple, de tous milieux, des résistants. Projet ambitieux, Reda nous dit qu’il est dans une démarche politique, qu’il veut utiliser le théâtre pour créer un “évènement politique”. Il a déjà fait cela en Algérie, à la fin des années 60. Outre le sujet de leur spectacle, on parle évidemment de la situation ici. Marta, une comédienne de la troupe, nous dit que c’est bien pire que ce qu’on voit dans les médias (s’ils en parlent encore). Plus de travail, taxes, plus de soins. Sa mère de 90 ans doit payer des taxes foncières très élevées. Les petits propriétaires sont en passe de se faire expulser, avec ces augmentations.

Bref, dans ce quartier de Kifissia, assez aisé, où la vie ressemble à celle de nos grandes villes, avec les mêmes enseignes, difficile d’avoir cette idée de la noire réalité. Beaucoup de jeunes dans les rues, beaucoup de gens aux terrasses, pendant que leur pays est démantelé de partout...
Avec tout ça, on dort quand même sur nos deux oreilles.. A suivre