Samedi 08 juin.

Deux actions percutantes

Rendez-vous avec nos corbeaux de Larkipik à 11h00 sur le site du Sommet. A l’intérieur, se tiennent les assemblées, ateliers, sur différents thèmes. Ce matin, entre autres, une assemblée sur le néofascisme et l’extrême droite en Europe. En Grèce le parti Aube Dorée a atteint les 13 pour cent... Modestos, notre guide et photographe des corbeaux, nous dit que dans le centre d’Athènes, la nuit, les fascistes déambulent et tabassent les immigrés qu’ils croisent. Dans la police, il y en a beaucoup également. Aube Dorée organise des soupes populaires réservées aux Européens. Contre cela, un collectif , El Chef, s’organise pour cuisiner, distribuer de la nourriture aux immigrés. C’est ce collectif qui tient l’intendance du Sommet.

Retour à nos corbeaux. Dans un coin du stade, nous prenons le temps de faire des essayages des costumes et de répéter avant notre première intervention. Nous sommes 9, beau chiffre. Dans le groupe, Christian, militant d’Attac qui avait fait un reportage de nos interventions à Tunis. Ici, il prépare un texte sur la santé en Europe. (NB : ce que les médias taisent : les politiques d’austérité ont entraîné des situations sanitaires déplorables dans les pays du Sud de l’Europe. Des enfants souffrent de malnutrition, l’espérance de vie a reculé de 5 ans en Grèce ...). Hier il a eu la chance de croiser par hasard un spécialiste des oiseaux qui lui a imité les différents croassements du corbeau. Nous faisons des essais de cris. Puis nous répétons l’image.

Les Assemblées de la matinée étant terminées, nous pouvons y aller. Nous avons choisi la cuisine et le bar, où une bonne centaine de personnes est regroupée. Nous avançons en file, lentement, tête baissée. Même sans voir les gens autour, je sens l’atmosphère qui devient pesante et le silence qui se fait au fur et à mesure que nous avançons.
Lentement, nous nous installons et formons un tableau silencieux. Des gens applaudissent.
On croit que c’est fini, mais nous commençons à croasser de plus en plus fort, puis à nous mettre en mouvement, en restant en groupe. Nous allons vers les gens et fouillons leurs poches et leurs sacs, à l’aide de nos longues pattes. Le groupe de corbeaux se juche une dernière fois sur un muret, avant de repartir bruyamment. Opération Larkipik 1 réussie. Mais ce n’est pas fini. Nous prenons un temps pour faire les retours et préparer la même action, cette fois à la manifestation qui se tiendra dans le centre d’Athènes, cet après-midi.

Le groupe est unanime sur l’impact fort. On a tous senti le choc de l’image. On discute sur le message, certains pensent qu’il faut compléter au niveau du contenu. Pourtant, les gens ont déjà compris, disent d’autres. Nous décidons de rester avec cette image, et organisons la suite.
Nous avons deux heures devant nous, puis rendez-vous sur la place du Museum, lieu de rassemblement des manifestants. Nous arrivons une heure avant pour repérer les lieux.

Le Museum, massif, est perché en haut de la place. Nous voulions utiliser les colonnes pour le jeu des corbeaux, mais sur place nous nous rendons compte que nous serons trop loin des gens. Les colonnes seront nos coulisses. Tous prêts. Cri de guerre de Larkipik, et c’est reparti. On descend lentement la vingtaine de marche du Museum. Des photographes se pressent déjà autour de nous. Plus assurée que la première fois, je pèse mes pas, je prends le temps, je m’amuse. Je charge mon regard qui croise les yeux des manifestants. Une grande délégation d’un syndicat roumain se presse autour de nous quand nous formons le tableau, et nous encourage. “Revoilà les corbeaux”, peut-on entendre.
Même jeu que ce matin, nous tentons de nous emparer des sacs des gens. Puis nous repartons vers le Muséum en déployant nos ailes.

Fin de nos aventures Athéniennes, mais beaux espoirs pour LARKIPIK KIPIK

Nous retournerons dans la manifestation “en civil”. Le cortège démarre, maigre... J’en profite pour interpeller quelqu’un qui a pris beaucoup de photos des corbeaux. C’est un militant du Front de gauche, il me laisse ses coordonnées pour récupérer les images.
La délégation de la CSC est en forme. Il s’arrêtent régulièrement, pour repartir en courant. Ça amuse beaucoup les gens.
J’accoste Mr VanKeirsbilck, secrétaire général de la CNE. Je l’avais déjà croisé aux manifestations où nous étions en Belgique. Il se souvient de la viande d’enfants. Il nous dit (comme beaucoup d’autres) que (parlant des corbeaux) c’est vraiment une chose à développer, que cela manque beaucoup dans les mobilisations. Ici, à l’AlterSommet, beaucoup d’assemblées, de discours. Pas d’images. Et ici, pas de discussions, d’interventions, autour de la culture, d’une autre culture. Dans le cortège, nous discutons aussi avec le président d’Attac-Grèce, qui veut rester en contact avec nous, avec Larkipik. Il voulait organiser des interventions artistiques pour ce Sommet, mais n’a pas réussi à trouver des artistes. Je me dis que c’est plus difficile peut-être pour Attac ou d’autres de trouver des artistes, si ceux-ci ne veulent pas forcément les représenter.Je pense que Larkipik tombe à pic. N’étant pas une organisation politique, ni une grande association, ce collectif aura peut-être plus de facilités à mobiliser les gens.

Sur le parcours, nous voyons peu de policiers, ouf. Ils sont pourtant fort présents au quotidien dans Athènes. Notre cortège croise celui de la Gaypride, coloré, joyeux. Nous nous retrouvons avec les corbeaux et décidons de terminer ce Sommet en mangeant tous ensemble. Modestos nous emmène à Erxahia, le quartier anarchiste autogéré. Il est quadrillé 24h/7j par des CRS. Ce quartier a une histoire. Depuis les années soixante, il est le fief des résistants d’extrême gauche. C’est aussi le quartier d’origine du jeune adolescent de 15 ans tué par balle par un policier, ce qui avait déclenché des émeutes en décembre 2008.
Quand on est dans ce quartier, on peut sentir l’atmosphère sereine qui y règne. Nous passons sur une petite place, bordé de petits cafés. Au milieu, un parc/potager organisé par les habitants qui ont résisté à la construction d’un parking à la place.
Nous nous installons en terrasse d’un restaurant, où ce soir un musicien joue du Rebetiko (musique des années 1920, originaire d’un quartier d’Athènes, où vivaient en marge des immigrés d’Asie Mineure.)
Nous trinquons à Larkipik, première et belle action. Nous parlons de la suite. On reste en contact...

CONCLUSION :

Nous repartons le lendemain tôt pour Bruxelles. Même si ce voyage fut éclair, il a été d’une incroyable richesse sur tous les plans. Etre en Grèce d’abord, comprendre ce que les gens vivent au quotidien, mais aussi comment ils s’organisent pour lutter, résister.
Riche sur le plan de l’information, avec ce Sommet, où les témoignages des expériences européennes furent précieux. Chez nous, en Belgique, en France, en Allemagne, on est sur le même chemin que dans les pays du Sud, même si cela vient moins radicalement.
Alors Larkipik prend tout son sens.
Vamos !!!

LES PHOTOS ICI !!!!