En 2011, après des mois de préparation, l’atelier d’impro “Les Mouscrobes” animé par Céline Spicy, alors animatrice/comédienne du Croquemitaine et Christophe Bourgois de la Maison de Jeunes “La Prairie” de Mouscron s’envole en avril 2012 pour Tunis. Ils vont y rejoindre d’autres jeunes tunisiens de leur âge au festival ADO+.
Là commence notre aventure en Tunisie.
C’est surtout la volonté de rencontrer ceux et celles de là-bas, qui ont renversé la dictature de Ben Ali. Dégage, le premier spectacle issu de cette rencontre s’articulait autour des évènements du 11 janvier 2011, date historique qui a fait naître le mouvement des Printemps Arabes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Est-ce que la révolution tunisienne est toujours en marche ?
Les liens continuent de se tisser avec Amira, Ammar, Osman, Walid, Zied de la Compagnie Act’, ces jeunes adultes actifs dans la révolution tunisienne et formés à la comédie par El Teatro, un théâtre en résistance.
Début 2014, nous entamons une nouvelle co production. En complicité avec nos amis de Tunis, Marcel écrit le scénario et met en place le squelette du spectacle. Guido fait une deuxième intervention pour peaufiner la mise en scène, La Pizzeria se construit.
La Pizzeria est une métaphore sur la situation en Tunisie, située dans un cadre familial. Dans ce cadre intime, elle tente aussi de montrer la passivité, le désintérêt, « l’inconscience de classe » et les renoncements que cette dernière entraîne ; les acteurs deviennent spectateurs de leur propre déchéance. (Voir le programme du FITA en annexe).
Dans le cadre du FITA, ce spectacle sera joué en France et en Belgique juste après les élections législatives tunisiennes et avant l’élection présidentielle. Vers quel avenir la Tunisie se dirige-t’elle ?
Lors de son dernier séjour à Tunis, Guido a rencontré des jeunes, ils lui ont parlé de leur situation aujourd’hui.

Voici le témoignage de Kamel.

« Bonjour je m’appelle Kamel Hammami, j’ai 28 ans. Je suis Tunisien. Actuellement, j’habite à Cité Olympique mais je suis né à Bargou dans la région de Seliana au nord-ouest de la Tunisie. J’ai un diplôme de technicien en machine à coudre que j’ai eu à l’école de Bargou et j’ai suivi à Tunis, des formations en textile.
Je travaille depuis 4 ans pour une société « fleuretex » située dans la zone industrielle Ben Arous à Tunis. Je commence mon travail à 07h30 jusque 18h30. J’ai une pause de 30 minutes entre 12h00 et 12h30, ça c’est les 5 premiers jours de la semaine.
Le samedi, je commence à 07h30 jusque 13h15. Une pause de 15 minutes entre 10h00 et 10h15. J’ai 5 frères et 2 soeurs.

Je gagne 600 dinars par mois (280 euros).
Mon avenir ? Pour manger, minimum 150 dinars. Pour me loger 150 dinars. Pour m’éclairer et me laver : 20 dinars. Pour aller à mon travail (métro et taxi) : 70 dinars. Pour appeler ma famille, loin de Tunis, mes amis : 30 dinars. Chaque mois je donne environ 85 dinars à ma famille. Il me reste 95 dinars pour vivre.
Comment je peux me marier, comment je peux avoir une maison, une voiture, comment fonder un foyer, comment subvenir aux besoins de ma famille ?
Je ne vois pas de solution… Une augmentation de salaire ?
La société Fleuretex pour qui je travaille fabrique des chemises de marques de luxe, des robes en satin pour les tenues de soirées. C’est la marque Paul and Shark qui commande ces vêtements. Ils ne sont pas vendus en Tunisie mais exportés en Italie et en Allemagne.

Je fabrique des vêtements que je ne porterai jamais. »

Le témoignage de ce jeune tunisien pourrait être celui d’un travailleur européen. L’écart entre les classes se creuse. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est en constante augmentation et les plus riches s’enrichissent toujours d’avantage.