Voici quelques extraits des lettres (courriels) d’Isabelle.

17 janvier

Je travaille avec un groupe de 10 garçons de 14 à 16 ans.

Ils sont tous scolarisés en deuxième ou troisième secondaire à Thyou à 6 km de Goumogo, ils font la route à pied ou à vélo.

Nous nous voyons 3 fois par semaine après les cours, je leur donne une formation de moniteur.

Ils découvrent différentes activités. Du théâtre, cirque (j’ai amené un peu de matériel, 3 diabolos, 4 assiettes chinoises, 2 bâtons du diable.

Un arbre porte des fruits comme de grosses noix, ça nous permet de faire de la jonglerie.), du dessin et des jeux ("Petit poisson rouge" devenu "Petit caïman", "Cache-cache").

Des activités classiques dans notre société mais qui sont ici tout à fait inhabituelles.

Mise à part la danse, le foot pratiqué par les hommes et les garçons et quelques jeux dont j’ai entendu parler, les loisirs sont inexistants. Aucune activité n’est organisée pour les enfants et les jeunes.

Les futurs moniteurs apprennent donc à animer, à donner des consignes de jeux, à faire respecter des règles tout en essayant de ne pas être autoritaires.

Le samedi, des activités sont prévues pour les filles (elles sont 60) et le dimanche pour les garçons (ils sont 70).

Ce sont les moniteurs qui animent ces séances.

Marcel et moi les aidons en leur donnant des conseils, en gérant certaines choses comme quand des ados plus grands (16/20 ans) viennent prendre possession des bancs prévus pour les petits...

Nous nous faisons les plus discrets possible pour laisser les moniteurs prendre leur place.

Les enfants sont très contents de pouvoir utiliser du matériel collecté par les élèves du groupe solidarité et d’autres personnes solidaires du projet.

Avec les dons d’argent (la collecte du groupe de Ste Union à Kain est montée à 77,40€), nous avons acheté principalement du papier (le même que celui pour les photocopieuses, des A4 que nous coupons en deux pour en avoir plus).


29 janvier

Les activités organisées pour les enfants le week-end ont du succès.

Surtout, le samedi, jour des filles.
Elles sont toujours une soixantaine.
Certaines arrivent tôt le matin et repartent le soir (sans manger...), elles n’en ratent pas une seule minute.

C’est surtout l’occasion pour elles de sortir du rôle dans lequel elles sont enfermées.

En général, leurs activités sont liées aux tâches domestiques : battre le grain de mil pour faire la farine,aller chercher de l’eau, s’occuper des enfants, ramasser du bois...

Elles sont bien contentes de recevoir de l’attention, que quelque chose soit organisé pour elles, de pouvoir s’exprimer à travers la danse, la musique, le dessin ou simplement la parole.

Certaines sont tout de même obligées de venir avec le petit frère ou la petite soeur, des bébés qu’elles portent dans le dos.

Parfois je les libère en prenant l’enfant, quand il n’a pas peur de moi.

Mais quand elles sont plusieurs à en avoir, ça devient plus compliqué.

Les moniteurs sont moins timides, ils s’expriment plus en parole, certains prennent leur rôle au sérieux, d’autre moins (un peu comme chez nous). Ils s’améliorent en techniques de cirque et nous commençons à faire du théâtre.


14 février

Nous sommes actuellement en train de préparer un spectacle.

Il sera joué au concours de danse, à la deuxième finale de foot de Goumogo et surement aussi une fois pour les enfants du village et leurs parents.

Les activités du week-end ont toujours lieu.

Seulement, nous nous rendons compte qu’ils ne seront pas capables de structurer ces loisirs après notre départ pour diverses raisons parfois indépendantes de leur volonté.

Pour que ce projet prenne sa place au sein du village, nous avons conscience qu’il faudra l’étaler sur plusieurs années, avec l’intervention d’animateurs socio-culturels professionnels capables d’observer, de prendre le temps et de s’adapter tant à la population qu’aux conditions de travail.

Il est évident que si nous demandons au groupe de jeunes de continuer les activités sans notre encadrement, ils vont se retrouver en situation d’échec et c’est ce que nous voulons bien sûr éviter.

En revanche, ils réalisent des prouesses en ce qui concerne l’organisation sportive, le foot. Malheureusement, il n’y a que les garçons qui pratiquent ce sport.

En décembre, Marcel et Cinzia ont proposé de former 4 équipes fixes de joueurs.

Les équipes se sont fixées des rendez-vous d’entraînement.

Il est maintenant possible d’aller plus loin dans ce projet en programmant des finales de foot opposant les différentes équipes de Goumogo.

Petit à petit, une modeste organisation sportive voit le jour dans le village.

Une première finale a eu lieu fin janvier et a remporté un succès certain.

150 personnes (hommes, femmes et enfants) ont assisté avec enthousiasme aux matchs.

Il faut dire que les moniteurs avaient pensé à tout.

Ils ont préparé le terrain : marqué et délimité le terrain en creusant, tout le tour, des rigoles pour y mettre de la cendre.

Ils se sont cotisés pour faire venir une sono.

Ainsi, Mohamed, (le leader de la troupe des Super Etoiles, la troupe de théâtre des adultes) a commenté les parties au micro et il y avait de la musique. Un événement comme celui-là ne s’était jamais vu à Goumogo.

Et le soir, ils ont organisé un Bal Poussière, c’est à dire une fête avec quelques néons et un DJ qui fait passer dans ses baffles, des tubes de techno avec un max de volume.

Comme vous le savez, il n’y a pas d’électricité, alors c’est un groupe électrogène qui alimente le tout en énergie.

L’argent récolté (plus ou moins 10000 CFA +/- 7 euros) ira dans une caisse réservée à cette organisation de jeunesse.

Elle servira à réparer ou renouveler le ballon de foot quand il sera usé.

Un ballon, comme celui qu’ils ont, coûte 12000 CFA.

Le foot n’est certainement pas l’activité la plus originale...
Vous me direz peut-être que nous nous sommes éloignés du projet de base : la création d’ateliers de créativité.

Cependant, à notre arrivée, c’était la seule activité pour les jeunes ou plutôt les garçons.

Alors, nous nous sommes servis de quelque chose qu’ils aiment et connaissent tous pour qu’ils apprennent à s’organiser dans un but concret.

Comme nous avons pu constater qu’ils y sont arrivés et fort bien, nous pouvons leur proposer un objectif réaliste pour le futur.

Nous leur avons demandé de continuer cette activité quand nous serons partis, de maintenir les équipes existantes et d’organiser des récoltes de fond suffisantes pour entretenir ou remplacer le ballon.

L’année prochaine, les intervenants pourront se servir de cette première base organisationnelle de la jeunesse. Ils pourront y ajouter d’autres activités et faire grandir pas à pas le mouvement de jeunesse du Théâtre des Savanes.

Pour les filles, nous sommes face à plus de difficultés.

C’est plus complexe qu’on ne le pense.

La réalité africaine est parfois difficile à appréhender...

Isabelle