1. Une révolution dans le théâtre haïtien
  2. Sur la négritude
  3. Les artistes à Haïti
  4. Le théâtre à Haïti

On nous a dit ce matin que tu avais fait la révolution dans le théâtre à Haïti ?#haut

La révolution....
Rire de Guy
Je voulais seulement aller plus loin.
C’est une expérience qu’on avait tentée à un moment où il n’y avait pas d’activités théâtrales. Il n’y avait vraiment pas de représentations.
J’étais jeune comédien, tout jeune, 21 ou 22 ans, dans un atelier théâtre de l’institut français. Si on peu appeler ça comédien.
On était dans cet atelier à essayer de jouer. C’étaient des coopérants français qui eux même n’étaient pas des comédiens professionnels, qui étaient les animateurs.
Ils se sont dit, il y a une salle de spectacle, pourquoi il n’y a pas de théâtre ici ?
Ils ont fait des ateliers avec nous. J’écrivais déjà, mais j’écrivais des poèmes. Le théâtre bien sûr m’intéressait mais je ne savais pas clairement ce que c’était.

Mais à côté, il y avait la bibliothèque. Après l’atelier, c’est là que j’ai vraiment découvert le théâtre, donc à travers des bouquins de mise en scène, la collection des voix de la création théâtrale du CNRS.
Quant tu vois ça tu te dis il y a de très grands metteurs en scène

Par exemple tous les exercices de Grotowsky, Tadeuz Kantor me rendait fou. Kantor travaille à partir de ses rêves. Je voyais des photos de choses qui étaient possibles ici aussi.
Je parle de metteurs en scène qui ne sont pas nécessairement académiques.

Je travaillais aussi, sous l’influence d’autres metteurs en scène haïtiens dont l’un d’eux avait travaillé en France sur des textes de la grande école de la négritude avec la compagnie qui s’appelle « Les Griots », dont le théâtre fait appel à des auteurs africains comme l’algérien Katé Biassine, ou Aimé Césaire, c’était la belle époque… Il avait bossé avec Jean-Marie Serrault qui montaient des pièces comme ça en France.

C’était lui le boss en Haïti, le gars qui fait du théâtre de très grand niveau, le niveau professionnel. Il était aussi à l’institut français où l’on travaillait.
En tant que jeune quant tu vois ça, tu dis que c’est vraiment du bon boulot. Il prenait des textes d’auteurs haïtiens pour faire des montages souvent très poétiques. Il aimait la poésie, la sensibilité des textes. Mais moi j’avais besoin, envie, de voir du corps, des déplacements sur scène, des jeux …
Après cette expérience à l’Institut français et sous ces l’influences, ce gars, les bouquins, je me suis dit qu’il fallait commencer à faire du théâtre, avec des jeunes.

Faire du théâtre, « by any means necessary », par tous les moyens nécessaires.
A l’époque y avait le film de Malcolm X qui disait « par tous les moyens nécessaires ».
C’est cette phrase là que j’ai prise « il faut faire du théâtre par tous les moyens nécessaires ».
On prend les rues, on va dans tous les lieux et on essaye de tout inventer. On se pose des questions sur les textes. Quels textes jouer ?

Et on va trouver, on va nous-même écrire, sur la situation du pays, un théâtre qui nous concerne directement, des mots qui nous concernent directement.
Pour le jeu, on ne sait pas, c’est pas nécessairement du naturalisme qu’on veut faire, parce que le naturalisme c’est quelque chose qu’on aime beaucoup ici, comme partout ailleurs. C’est le premier pas dans l’art, un peintre commence par peindre la nature.
Nous voulions trouver d’autres créneaux.

Avec l’équipe c’était toujours comme ça : on arrive... puis « les costumes, qu’est-ce qu’on fait ? », « ben les costumes, je pense qu’on peut jouer avec un seul costume, toutes les représentations. On a pas à changer de costume, on va mettre un seul costume tout le temps ».

« Et le décor ? ». « Ben le décor, on n’a pas à mettre une table pour dire qu’on est sur une scène de spectacle, parce que sur une scène de spectacle, la scène n’est pas la vie. Donc on va inventer la scène. on va créer notre propre scène, des petites scènes, des mini scènes, des scènes individuelles ».
Chaque comédien avait sa scène et on marchait comme ça avec sa scène.

C’est en se posant des questions sur tous les compartiments du jeu que nous avons trouvé une forme de théâtre tout a fait particulière.
Ce n ’était pas avec une idée ; « allez on va changer le théâtre haïtien ». Pas du tout. C’est vraiment en se posant des questions sur comment parler, quelle parole aussi. On ne faisait pas nécessairement de dialogues, c’était vraiment des textes à dire. Les comédiens pour nous ce n’étaient pas vraiment des comédiens, c’étaient des citoyens exhibitionnistes, des portes parole de la cité, qui arrivent et qui se donnent pour parler aux gens.

Et c’est comme ça qu’on a commencé. Un ami du musée d’art qui voulait faire une représentation sur un grand peintre haïtien, m’a demandé de faire un spectacle. Après la représentation je me suis dit : « Mais on va pas s’arrêter là, sur une petite représentation sur un peintre.
J’ai pris une pièce d’un auteur haïtien. C’est d’après moi l’auteur haïtien le plus moderne en Haïti, c’est Franketienne.
On a transformé sa pièce dans notre forme à nous. Sur scène on ne va pas se déplacer comme dans la vie, on va inventer notre façon de marcher,… Même chose pour les costumes.

On a donné ces représentations à l’université. Pour nous c’était très important de les faire aussi à l’université parce qu’on y trouvait les jeunes avisés, qui n’ont pas d’argent pour aller au théâtre, qui ne savent pas ce que c’est, mais qui sont très intéressés de le découvrir. C’est la relève aussi. C’était le lieu où on pouvait trouver des jeunes à même de comprendre ce que c’est que le théâtre, de s’y intéresser, d’en faire aussi.

Dans d’autres pays on peut trouver des gens qui s’intéressent au théâtre, mais le niveau d’éducation en Haïti fait que c’est vraiment à l’université qu’on peut trouver des gens qui savent lire un texte de théâtre et qui s’intéressent à ce que c’est, qui comprennent le sens de cet art.

Ca a été un long combat. En Haïti tout ce que tu fais, tu dois vraiment le commencer … au commencement.

Je me souviens du nombre de projets que j’ai écrit, le nombre de fois que j’ai été voir des responsables, je me suis battu avec le directeur de l’université pour qu’il accepte le théâtre à l’université. Le dernier jour que je l’ai rencontré, il a compris que je pouvais sauter sur lui …
Il m’a dit bon OK, on vous donne 4000 gourdes (rire). 4000 gourdes pour aller faire vos représentations dans les universités, et maintenant , prenez votre argent et foutez nous la paix.

Pour faire nos représentations, on a mis des affiches partout, dans toutes les facs,. Il y a des endroits où on a arraché les affiches, à d’autres endroit les étudiants voulaient suivre leurs cours.
C’était vraiment du théâtre d’intervention, qui ne durait pas, 30 minutes, 15 minutes. On dit ce qu’on a dire, on le joue et on part.

A chaque représentations, tous le monde était accroché, c’était dans la voix, une musicalité. Qui était puisée sur ce qui se fait ici comme art du spectacle. Et parmi ces arts, le rara. C’est pour moi le plus phénoménal, parce que très théâtral et puis il y a dans le rara, une foule qui porte toutes ses revendications. Pour moi c’était la référence, la chose qui fallait vraiment imiter.
Pour un public haïtien, dès qu’il y a le rara, tout le monde sort pour aller voir ce que c’est. Pour ce public c’était vraiment ce qu’il fallait utiliser pour ce théâtre. Ce théâtre où on voulait parler, dire nos frustrations de jeunes, la situation du pays.

Bref, dans les universités, même si au début les mecs n’en voulaient pas, qu’ils arrachaient les affiches, après, on nous demandait de revenir.
Nous faisions ça pour montrer notre travail qui avait duré près de 2 ans.
Ce n’était qu’un extrait de Franketienne parce que on n’avait pas les moyens de monter toute la pièce.
Et c’est après ces représentations de la pièce de Franketienne à l’université, que d’autres gens nous ont appelé.
Après l’université, on a accepté tous les contrats qu’on nous proposaient, partout. D’autres jeunes nous demandaient de revenir à l’université, ou les ministères nous demandaient une création pour la commémoration d’un auteur haïtien.
Par exemple on a créé un spectacle sur Jean Price-Mars qui est le véritable père de la négritude.

Tu parlais de la négritude, qu’elles sont les thèmes qui étaient abordé par ce théâtre ?#haut

On a travaillé sur la pièce de Franketienne parce que pour nous c’était un discours d’aujourd’hui.
On était dans un combat de la renaissance, un combat de jeune de la renaissance d’Haïti. On était aussi dans contre la dictature, c’était un gouvernement totalitaire, c’était Aristide. A travers cette représentation du texte de Franketienne qui annonçait la fin de la dictature des Duvaliers, c’était une attaque de la dictature d’Aristide qui, à l’époque, était en train de s’installer.

Ce qui m’intéresse le plus dans le théâtre c’est vraiment l’universalité, l’idée qu’il y a « l’Homme », l’humain sur scène.
Moi ce que je vois quand je vais au théâtre c’est l’homme qui est devant moi et qui échange ses sentiments avec moi, c’est ce qui m’intéresse le plus dans cet art là. Quand on fait du théâtre c’est aussi pour se comprendre.
Je n’ai jamais été à la recherche d’un quelconque régionalisme ou nationalisme ou colorisme,… Quand mes comédiens jouaient je travaillais à fond pour que sur scène, ils soient des humains et pas des noirs.
D’ailleurs, d’après Césaire, c’est ça le sens de la négritude profonde.
C’est rendre à l’homme noir son sens à l’universalisme. C’est l’homme qui croit en son humanité.

Jouer ça pendant le régime d’Aristide ça ne posait pas de problèmes ?#haut

A Haïti les artistes sont considérés comme des dieux.
Rires.
Quand tu amuses des gens, quand tu les critiques, quand tout le monde sort dans la rue et danse avec toi, tu peux critiquer Aristide. Et les gens approuvaient…
Une fois on a joué sur le Champ de Mars un spectacle où on critiquait tous les partis politiques, que se soit le parti Lavalasse ou les autres. Les gens approuvaient : « ouais, ouais, ouais » ,… et on arrive à Lavalas, « ouais, ouais, ouais »,… (rire).
Puis j’entends des mecs qui nous insultent d’en bas. On s’est échappé par derrière et bien sur en courant. Mais je ne pense pas que si on était resté ça aurait été très dur. Ils seraient venus nous dire « vous arrêtez vos conneries »…
C’est ce que j’ai vécu après, dans l’engagement politique, avec la constitution de « NON », un groupement d’artistes et d’intellectuels, pour contrer Aristide. Là oui dans les rues, ces mecs nous disaient : « qu’est-ce que tu fous là à faire de la politique ».
L’artiste a tellement de pouvoir qu’il n’a aucun intérêt à se mêler de la politique. Quand tu te mêles de la politique, tu te discrédites tout de suite, tu n’as plus de virginité. Alors que quand tu es en dehors de tout ça t’es euh .. t’es un dieu.

Vous n’êtes pas resté en dehors ?

En tant qu’artiste on ne peut pas rester en dehors ; tu as le bouclier artistique, si on peut appeler ça comme ça, tu dois l’utiliser beaucoup ici.

Il y a beaucoup d’artistes qui font attention et qui n’interviennent pas tout le temps dans la politique. Aristide a utilisé beaucoup d’artistes ; mais pas tous.
Dans d’autres pays on parle du quatrième pouvoir pour les journalistes, en Haïti le cinquième pouvoir, c’est les artistes.

Rire

Il y a ce respect qui fait que le dictateur, le gouvernant, va plutôt essayer de t’acheter. On a eu des propositions pour aller jouer au palais national. Quand tu ne veux pas, ils te critiquent. Mais ils ne peuvent pas aller plus loin ; parce que les artistes on un tel pouvoir.

Non ça n’a pas été difficile.
Sous Duvalier c’était assez horrible, il éliminait les gens, les tuait tout de suite. Mais en 86, c’est le départ des Duvalier, il y a eu cette grande révolution à laquelle les artistes ont beaucoup participé, et depuis les artistes ont un pouvoir impressionnant ici. Et puis c’est la meilleure image du pays.

Mais il n’y a pas de moyens du tout pour les gens travailler ?

Gros rire

C’est le rire haïtien…
Non Il n’y a vraiment pas de moyens…

C’est ça qui vous a amené à faire cette forme là ?

Bien sur. En tant que jeune tu sautes facilement tous les obstacles, les difficultés.

Aujourd’hui je n’ai plus envie de continuer à travailler comme ça. J’ai l’impression d’avoir la responsabilité de dire qu’Il faut faire du théâtre sans moyens. Le théâtre gagne a être pauvre, d’accord, Grotowsky l’a prouvé, mais après on travaille avec des humains. Et il avait beaucoup de respect pour les humains Grotowsky.

Les comédiens, ils parviennent à gagner leur vie avec le théâtre ?

Non. Non, non, non.
Il n’y a pas de subventions, aucune. Ça n’existe pas. Si tu demandais des subventions en Haïti, tu ne serais pas étonné qu’on te dise que c’est pour que tu manges l’argent.
En plus quelle subvention ? Quelle aide ? J’ai entendu des critiques sur des metteurs en scène qui ont 40 ans de carrière ici, qui ont fait des spectacle avec moins de 50 000 dollars.

Il y a quand même des petites aides ?

Il y a des aides sur une représentation. Mais l n’y a pas de subventions régulières pour le théâtre. Ça n’existe pas.
Les comédiens ici, ils ont beaucoup de talent mais pas de métier et pas de moyens.
Tu dois leur apprendre le texte, leur mettre dans la bouche. Il faut trouver 4 heures de disponibilité. Certains sont à l’école. d’autres font un autre métier.

Qui va au théâtre à Haïti ?#haut

Au départ c’est la classe moyenne.
Mais en même temps il y a plusieurs types de théâtre aussi. Il y a aussi des comiques qui font leurs shows.
En fait dans ce pays il n’existe pas de très grandes distinctions,… Les gens de la classe moyenne n’ont pas les moyens de celle d’autres pays, c’est un pays très pauvre. Si il y a des bourgeois, c’est des bourgeois à 50 000 dollars US.
A un moment on pouvait dire qu’il y avaient des gens qui étaient très très riches.
Mais aujourd’hui on n’en voit pas.

A part d’être dans le gouvernement .
Mais maintenant il y a des gens qui quand ils travaillent au gouvernement, le font honnêtement. Je connais le cas de plusieurs personnes, par exemple une dame qui a été ministre de la culture, elle gagnait moins que ce qu’elle gagnait à l’Institut français. Tu vois, quand on dit qu’être dans le gouvernement ça t’enrichit…

Dans les gouvernements récents ?

Oui. Dans les gouvernements précédents, certains partaient avec des millions de dollars.
Aujourd’hui, tout est mêlé, il y a des gens qui ont de l’argent dans le business, les marchands, ceux qui font le tour de toutes les petites îles de la Caraïbes et qui vendent,… Ce sont des gens riches mais qui viennent de la classe populaire, qui viennent de la masse. Ils n’ont pas une culture, ni une mentalité bourgeoise.
Quand Manno Charlemagne chante « 6000 personnes qui ont de l’argent … », je pourrais lui demander dis moi qui sont les 6000 personnes qui ont de l’argent en Haïti.
Ils sont tous partis.
L’instabilité politique qui a duré de 86 à aujourd’hui, ça n’aide personne. Et avant ce n’était pas meilleur, c’était la dictature. En tout cas, vu cette situation d’instabilité, même celui qui au départ voulait s’enrichir, ne peut pas.
Le groupe d’haïtiens qui aujourd’hui a les moyens, c’est ceux qui sont dans la diaspora, d’ailleurs c’est sur ça qu’on vit.

En fait c’est un pays,… qui a totalement périclité, c’est un pays vraiment sur son cul. Tu ouvres les yeux tu sais pas où tu es.

Tu as des gens qui continuent à vivre décemment, plus ou moins, et puis tu as des gens qui sont très,très pauvres comme toujours. Et tu retrouves tout ça au théâtre.

Les très pauvres sont touchés par le théâtre ?

Il y a plusieurs styles de théâtre. Souvent quand on fait du théâtre en Haïti on est tout de suite dans l’élite et on ignore les autres personnes qui font du théâtre. Il y a d’autres personnes qui font du théâtre ici qu’on ne va pas nécessairement voir parce que c’est « du théâtre », entre guillemets . Des mecs qui font une sorte de one man show, qui font rire tout le monde qui s’appelle les meilleurs comiques d’Haïti. Et puis il y a des groupes que vous allez voir dans le festival des quatre chemins, ça on va dire que c’est du théâtre haïtien.
Quand j’étais plus jeune, il y avait à l’institut français ou dans les endroits où l’on faisait du théâtre, un public bien particulier. Le public que l’on connaît, le public qui va au théâtre, un public d’élites.

C’était ça aussi la réussite de NOUS. Sortir le théâtre dans la rue et aller prendre les gens pour rentrer dans la salle. Et quand on rentrait, c’était avec n’importe quel quidam. On rentre dans la salle, dans n’importe quelle salle, avec des mecs dans la rue qui n’avaient jamais vu de spectacle, qui quand tu leur dis on va voir du théâtre, répondent que ça ne les intéressent pas…

Mais il y a beaucoup de nuances.
Je pourrais donner l’exemple de ma mère qui te dirais que le théâtre, ce n’est pas de son milieu alors que moi je fais du théâtre. Ma mère est arrivée en CM1.
Il y a beaucoup de gens de la classe moyenne qui sont pareils à moi, qui ont des familles comme ça, socialement mixtes, et qui continuent de vivre ainsi.
Beaucoup dans la classe moyenne dépensent tout leur argent pour envoyer leurs enfants à l’école. Tout, tout pour l’école. Toute leur vie. L’UNESCO a sorti un travail démontrant que Haïti fait partie des pays où les parents dépensent le plus d’argent pour envoyer les gamins à l’école. Et ma mère c’était ça, des bonnes écoles et pas de moyens du tout.

L’ Ecole Nationale des Arts ?

Rire.

L’Ecole Nationale des Arts fait partie des écoles publiques.
Il y aussi deux strates de l’éducation en Haïti.
Ma mère m’envoyait à l’école privée. Les écoles publiques sont vraiment laissées pour compte.
L’Etat paye mieux que les écoles privées mais les profs font ce qu’ils veulent.
Même si tu donnes de l’argent ce n’est pas ça qui compte, l’essentiel c’est qu’il y ai vraiment un programme d’éducation. Les meilleures écoles sont celles prises en main par des professionnels haïtiens de l’éducation.

Je pourrais raisonner ainsi : je suis metteur en scène ; vu l’état de l’enseignement du théâtre de l’Ecole nationale des arts, je vais faire une école d’art. Avec un peu de moyens ça devient une école que tu payes par mois 100 US, chaque année 1000 dollars US.
L’Etat laisse vraiment faire ça n’importe comment. Il y a plein de gens qui arrivent et qui font leurs écoles, c’est du business.
L’Ecole nationale des arts, au début, ne fonctionnait pas mal, mais depuis près de 10 ans, l’Etat est tout simplement absent.

L’Ecole nationale des arts, ça pourrait être l’espoir d’un lieu où l’on va créer une relève. Mais encore une fois, il faut que l’Etat consentisse des efforts, les encadre, soit avec eux. Il faut beaucoup d’interventions extérieures aussi. Je pense qu’on est très talentueux, mais les discussions sur l’art ne sont pas très avancées.
C’est un pays où on aime les artistes mais on ne sait pas ce qu’ils sont.

On ne nous respecte pas parce qu’on n’a pas de statut. Aujourd’hui j’entends encore, et des gens très sérieux, me dire que je ne travaille pas. En même temps je n’ai jamais travaillé de ma vie, mais j’ai travaillé plus qu’eux.

C’est un peu universel pour les artistes.

Les artistes c’est des gens qui ne bossent pas, qui ne font rien.
Mais ici, au moins tu pourrais bénéficier d’une aide, et puisqu’ils ont un amour des artistes.
Les créateurs ont besoin d’une aide, d’un support et ça c’est très rare.
A moins de trouver un mec qui est dans la drogue. Mais c’est surtout pour les groupes de musiques, qui font des concerts où personne ne paye.
Si quelqu’un te prend par la main t’es foutu. C’est quelqu’un qui décide pour toi, qui va te dire aussi quoi faire.

Des sponsors ?

Une fois j’ai rencontré le représentant de « Comme il faut » , la marque de cigarettes. Il voulait que je fasse fumer mes comédiens sur scène.

Rire.

« Oui on veut bien vous aider mais il faut qu’à un moment on fume sur scène. Si vous voulez qu’on vous aide, il faut fumer. »
Il n’y pas de statut d’artiste, on n’est pas reconnu en tant que tel. Oui tu as une notoriété, tu es de notoriété publique.
Mais le ministère va grappiller dans un coin pour te donner un peu d’argent pour faire ton spectacle. Et avec ces aides de misère ils prétendent faire la loi, te dire que monter, que ne pas monter, ça me fait encore plus rire.

Port au Prince - 09/2008