La panique. La colère, face à l’impuissance totale de contrôler la nature. Il pleut, il gronde et nous n’y pouvons rien. Nous voilà forcés de subir la fureur des éléments.

Depuis ma petite enfance, je ne m’étais pas retrouvée confrontée à une telle frayeur. Impossible pour la plupart de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Chaque coup de tonnerre les faisait sursauter, bondir, et puis certains se sont mis à pleurer. Comme si l’eau se démultipliait, et qu’elle se devait de couler aussi à travers ces corps, que l’électricité les traversait instantanément, que l’orage résonnait dans leurs têtes. Pas de barrière logique qui permette de mettre les évènements à distance. Ma bête raison, ma rationalité, rendues inutiles et déplacées face à ces réactions instantanées.

Alors oui, les prendre dans mes bras, mettre de la musique classique pour atténuer l’impact des éclairs, concentrer l’attention sur des actions connues pour poser des repères. Qu’on était loin du théâtre et de ce qui était prévu ! Saisis par la vie ! J’étais bouleversée par cette fragilité. Dépassée. Je cherchais désespérément dans mon arsenal de comédienne quelque chose à proposer. Convaincue qu’il y a des manières d’appréhender les peurs pour les démystifier et se réapproprier nos corps. Peut-être nous aurait-il fallu sauter, danser, chanter, expulser pour libérer. Avec le recul, je songe à cette légende japonaise, qui dit que l’on peut rire à grands éclats pour faire fuir la mort et les fantômes. C’est quelque chose de cet ordre-là que je cherchais. Comme dans les Maitres fous de Jean Rouch, puisque nous voilà déjà dépassés par les émotions, au delà d’un possible raisonnement, pourquoi ne pas pousser encore plus loin en nous laissant réellement aller à la folie ? J’entends folie en tant que catharsis, libération, déchaînement, qui met l’esprit au repos en laissant libre champ au corps, et qui offre après coup une fatigue saine, et au-delà, l’expérience de n’avoir pas subi, mais d’avoir vécu pleinement un instant. Ne pas s’être laissée dominer par la peur, non, mais s’en être servi comme véhicule, avoir dépassé ses propres limites, avoir découvert en soi des forces que l’on ne soupçonnait pas... Et sortir grandi de cette expérience, en se disant que l’on a affronté quelque chose, et que nous sommes moins démunis face à ce qui auparavant nous semblait insurmontable.

C’est exactement ça. S’emparer pour ne plus subir. Se réapproprier pour ne plus se sentir impuissant. Transformer la peur en joie et la paralysie en désir. Etre vivant, pleinement, l’espace d’un instant.

A creuser profondément...

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