Voilà ce que je me disais, ce samedi 12 mars, dans ces fameux locaux de la Croix Rouge, en écoutant Maria me dire que la séance était annulée parce que les autres étaient à un enterrement et qu’une autre pensait que finalement, plutôt que du théâtre, est ce qu’on ferait pas un atelier de perles ?

Bon. Après une petite enquête, il s’est avérée que Maria dramatisait la situation : sur les 10 personnes présentes au premier atelier, une s’était rendue compte qu’elle ne se voyait pas sur un plateau et son fils était sans doute venu plus pour faire plaisir à sa mère que par pur intérêt artistique. Ces deux-là ne reviendront probablement pas, mais il vaut mieux qu’ils s’en rendent compte tout de suite plutôt qu’une fois le travail vraiment engagé ! Une travaillait ce matin-là, une autre devait amener sa môman chez le médecin, une n’avait pas de voiture pour venir... bref ! Quelques coups de téléphone plus tard, nous étions six, et mes statistiques de pertes devenaient parfaitement acceptables...

Comment commencer dans ces conditions ? En tant qu’animatrice, j’étais bien placée pour sentir que ce moment était crucial : encore une fois, il vallait mieux qu’il arrive maintenant, au tout début, que deux semaines avant le spectacle !

“Les filles, on va prendre un moment pour discuter. D’abord, on est là pour se faire plaisir : si c’est pas du théâtre que vous avez envie de faire, mais des perles, pas de souci pour moi ! Rien de pire que de travailler avec un groupe qui traîne la patte à chaque séance. Vous le faîtes pour vous. Si certaines d’entre vous avaient mal compris la méthode de création, je vais revenir dessus : je suis là pour vous donner des outils. La matière, la créativité, le fond, c’est vous qui le faites naître. Si vous voulez un texte déjà écrit avec un metteur en scène, c’est pas à une anim’ du théâtre-action qu’il faut faire appel. Et puisqu’on en est là, reposons-nous la question de savoir si le sujet choisi c’est vraiment le vôtre : vous voulez vraiment, chacune d’entre vous, parler de l’immigration ? Parce que si c’est pas le cas, y faut surtout pas travailler sur un thème qui ne vous touche pas ! Vous voulez vraiment monter un spectacle, ou un atelier de théâtre vous suffit ?”

Voilà, en résumé, ce que je leur ai dit. De fil en aiguille, on touchait ce qui me semblait en sous-texte : finalement, celles qui étaient là et qui paraissaient réellement vouloir s’investir, elles avaient grandi en Belgique, et pis c’t’histoire de l’immigration, ben c’était pas vraiment elles qu’avaient choisi. Toutes étaient d’accord pour dire qu’il ne fallait forcer personne, et qu’il vallait mieux un plus petit groupe vraiment motivé qu’un plus grand qui râle tout le temps.

Alors on s’est assise, toutes les six, et je leur ai demandé qu’on discute un peu de ce qu’on avait en commun. Que la dynamique d’un groupe, c’était aussi ce qui nous unissait et ce qui nous donnerait envie de revenir, séance après séance, mette notre énergie et notre créativité au service de quelque chose de beau et qui nous faisait du bien.

Ce qu’on s’est dit au cours de cette séance, restera secret. On n’a pas mis notre corps en jeu cette fois-ci, mais ces échanges ont été indispensables pour un début d’atelier où la confiance doit exister. Avec humour et émotion, nostalgie et détermination, fierté et incompréhension, nous, femmes de différents âges et de différentes époques, mères, grand-mères, belles-mères, soeurs, épouses et filles, témoins d’un temps qui passe et d’un monde qui change, et de moeurs qui évoluent où l’on a tant à perdre que l’on en a a gagner...

A suivre... lire la suite...