Il traverse notre espace transit. L’air décontracté, il échange quelques mots avec l’hôtesse d’accueil. Ils sont tout sourire. Il ne faut pas que les passagers s’inquiètent. Il emprunte la passerelle qui mène à l’intérieur de l’avion. Il en ressort 10 minutes plus tard. Son air de « tout va bien » a du mal à me rassurer.
L’embarquement est annoncé, tous se pressent pour arriver le premier. Billet et passeport bien serrés dans la main.
Après les dernières vérifications, nous sommes dirigés vers notre place numérotée. Je suis assis à côté d’une hollandaise. La cinquantaine. L’air sympa.
Un homme commence à hurler du fond de l’avion.
« Ouuuh ! Ouuuh ! Ouuuh ! Ouuuh ! L’avion va tomber ! L’avion va tomber !
Ouuuh ! Ouuuh ! L’avion va tomber ! »
Tout le monde se retourne. C’est plutôt angoissant comme humour. C’est le genre de blague qui n’est pas drôle.
« Ouuuh ! Ouuuh ! Ouuuh ! Ouuuh ! L’avion va tomber ! L’avion va tomber ! »
Nous apercevons la personne et comprenons tout de suite la situation. Cet homme est menotté. Il porte un masque anti-poussière sur la bouche. Il est encadré par 3 costauds. Ils n’ont pas de moustache mais ça se voit, ce sont des policiers.
Avec la complicité d’Air France, cet homme est reconduit dans son pays, au Burkina Faso. Il n’a pas le droit de rester sur le sol français. J’éprouve un drôle de sentiment. Je me rends au Burkina Faso pour le Festival International de Théâtre pour le Développement.
Et là, sous mes yeux, un burkinabé se fait éjecter.
Comment réagir ?
Certains passagers râlent tout en ne cachant pas leur crainte.
D’autres sont indignés : « c’est dégueulasse ce que vous faites, je trouve ça honteux ! »
D’autres encore rigolent et accompagnent en choeur les cris de cet inconnu. Et puis il y a ceux qui s’installent dans l’indifférence totale.
« L’avion va tomber ! L’avion va tomber ! Ouuuh ! Ouuuh ! L’avion va tomber ! »
Les hôtesses sont emmerdées, elle sourient jaune, voir jaune pâle. Pourvu que cela n’aille pas déclencher un gros bordel.
Il a su se dégager de son masque. Il en profite pour cracher sur le plafond du fuselage. Le flic de gauche lui remet aussitôt.
Il criera sans cesse jusqu’au décollage. Et puis plus rien, il s’est tu. Tous ses efforts étaient perdus. Même ce dernier recours de vouloir semer la panique à bord.
C’était le 8 mars 2010, la journée de la femme. A Ouagadougou, j’entends au loin, une information à la radio. Ce même 8 mars, le Président français Nicolas Sarkozy a fait revenir une jeune marocaine qui avait été, quelques temps plus tôt, expulsée de France. Un geste pour la journée de la femme ?